AVEC le SOUTIEN de leur CERCLE LITTÉRAIRE à dominante féminine
Dès 1807, au coeur même des guerres napoléoniennes et à la suite de leurs études universitaires, les Frères Grimm se lancent dans le projet de collecte des contes.
Ils participent à la publication de leur ami Clemens Brentano Le Cor merveilleux de l’enfant, recueil d’anciennes chansons populaires allemandes. Et pour se faire, Clemens Brentano sollicite l’aide féminine de son entourage. Autour de lui, les membres du Cercle de Savigny décident de poursuivre la collecte de textes anciens envisageant d’éventuels nouveaux tomes. De leur côté, les Frères Grimm se lancent dans la collecte des contes populaires en vue d’une publication. Pour cette collecte, tout comme Brentano, ils se tournent vers la gente féminine avec comme exigence : fidélité au texte originel, y compris en patois ; respect de la vérité du conte.
Depuis quelques dizaines d’années, l’intérêt pour les contes et légendes se développe en Europe. En France Charles Perrault et Mme de Staël, en Allemagne Johann Karl August Musäus, reprennent les contes originaux et les écrivent à leur façon, dans un style accessible au public du moment tout en introduisant une coloration morale et politique.
Dans l’attitude de l’érudit – historien, Jacob et Wilhelm entendent respecter les textes tels qu’ils se présentent. Mais Brentano et Von Arnim visent un public plus large, populaire et varié. Et bien que Goethe connaisse et soutienne le travail des Frères Grimm il penche, comme Arnim, pour une adaptation de la langue afin de permettre à ces textes d’être très largement diffusés.
Comme Brentano travaille parallèlement sur un recueil de contes, Jacob et Wilhelm lui confient les fruits de leurs premières collectes, acceptant qu’il les traite à sa façon. Finalement, Brentano ne donne pas suite. Libérés de leur engagement à son égard, les deux frères se livrent corps et âme à leur passion sous la forme qu’ils souhaitent. Les manuscrits envoyés à Brentano disparaissent. Ils seront retrouvés au début du XX°s dans le monastère alsacien d’Ölenberg, restant ainsi le témoignage inestimable de la première phase de collecte.
D’un côté universitaire à visée politique, le travail des Frères Grimm cherche à s’opposer à la domination étrangère, à revaloriser la culture et l’âme allemande. Il s’agit avant tout de redonner valeur à la tradition. Et dans le souhait de dévoiler la beauté et la richesse de la langue ancienne, ils cherchent également à remonter aux origines des contes, aux racines allemandes et plus largement européennes. Pour cela, ils rendent visibles les liens entre les contes recueillis dans leur pays et des contes français, serbes, danois, russes… Ils considèrent que dans toute la tradition orale, une parole quasi divine est à l’oeuvre. Ils décident de privilégier le texte le plus pur, et le plus proche de la Tradition que possible.
Les Frères Grimm tiennent à leur tour un Cercle littéraire hebdomadaire chez eux, même pendant la guerre : toutes les femmes qui contribuent à la collecte des contes sont présentes et enthousiastes. Wilhelm est passionné dès le début, Jacob ne s’intéresse à ce cercle qu’à l’arrivée de véritables perles par la collecte. Il participe autant que le permettent ses nombreux déplacements ; mais c’est Wilhelm qui assure essentiellement la direction et la coordination des travaux sur les contes.
Contribuent à la collecte pour le premier tome :
- Leur sœur Lotte Grimm,
- Les sœurs Wild, en particulier Dortchen, leurs voisines à Kassel, filles de pharmacien aisé, très cultivées,
- Les sœurs von Hassenpflug d’ascendance huguenote : Jeannette, Amalia, Marie (à elle seule 20 contes sur les 40 apportés par cette famille) et leur frère. Ils sont tous très cultivés, parlent français au foyer bien que leur famille soit arrivée de France depuis plus d’un siècle. De nombreux contes viennent de cette ascendance française et notamment de Charles Perrault,
- Friedericke Mannel de Allendorf, cultivée, parlant français, qui a déjà participé à la collecte pour Le Cor merveilleux de l’enfant, et qui connaît de très nombreux contes qu’elle raconte avec beaucoup d’esprit,
- Des hommes érudits participent également : Ferdinand Siebert, théologien et germaniste ; Friedrich Krausse, brigadier des Dragons retraité, le peintre Otto Runge qui apporte deux contes en patois.
Les Frères Grimm pensaient collecter TOUS les contes racontés en allemand, projet sans fin. Leurs amis Achim et Bettina von Arnim, impressionnés en 1812 par le nombre de contes collectés et leur qualité, les pressent de publier. Malgré la situation politique et économique désastreuse, ils leur trouvent même un éditeur, Reimer à Berlin, dont le contrat leur convient aussitôt. Tout l’été 1812, les collectrices redoublent de zèle et rajoutent des dizaines de contes.
suite … au prochain article par nos « petites plumes »
A tout bientôt, le 10 du mois prochain…